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Alchimiste iconoclaste

Dès son enfance, Luc Ewen savait qu’il s’aventurerait dans les méandres de la création artistique.
 

Malgré une destinée apparemment toute tracée, l’enfant devenu adulte n’aura de cesse de matérialiser sa conception du réel, ses fantasmes, ses visions. C’est son grand-père, facteur de son état et initiateur de la première heure, qui guidera ses premiers pas de photographe et lui donnera, d’une certaine manière, le goût de l’expérimentation’ qui confère à son œuvre cette tonalité toute particulière: «A l’époque, mon grand-père habitait à côté de l’importateur principal de la marque Agfa. Tous les jours, il récupérait la plupart des matériaux invendus. De pellicules usagées en produits chimiques divers jetés pêle-mêle, il a longtemps sondé les différents effets que ses mélanges improvisés offraient au regard. Je me souviens avoir été fortement impressionné par ses premiers montages et les résultats de ses épreuves. Dès que j’en ai eu l’occasion, je me suis inspiré de cette. veine artistique décalée qui correspond à mes propres attentes créatives.

 

Aujourd’hui encore, je cherche des alternatives de création, de la manipulation de produits, afin d’obtenir les effets les plus singuliers, le détournement de certains objets. La complexité est évidemment de mettre le moins de distance possible entre l’objet et la photographie, capturer une réalité et lui conférer un cachet irréel». 

De ce canevas se dégage une œuvre tout à fait originale, empreinte de poésie inattendue, et d’une volonté métaphysique particulière de refléter le réel, le temps qui s’écoule inexorablement. Inspiré de littérature, nourri d’œuvres picturales, le travail de Luc Ewen laisse transparaître çà et là des effluves apocalyptiques chers à Jérôme Bosch, un goût certain pour la déformation de fragments captés sur la’ pellicule, une appétence pour la sincérité dans l’image et la’ liberté de création sans impératif temporel ou artificiel.

 

C’est d’ailleurs dans cette optique que notre concepteur de génie a créé un instrument à la mesure de sa quête, baptisé Tortuga 5. Un ingénieux appareil élégamment habillé de bois noble qui renferme une mécanique dont la simplicité n’a d’égal que les surprenants effets qu’il en retire. Se basant sur le principe ancien de la Camera obscura, Luc Ewen a su» étendre le procédé à une vision panoramique, l’œuvre du temps et de la lumière faisant le reste. Une nouvelle fois, l’artiste poursuit son éternel fil rouge, l’idée de l’éphémère imprimant lentement le film, la représentation inédite et naturelle de plusieurs vues simultanément, un paradoxe dont le père de ce sténopé raffole: «rai vu dans ce mécanisme une opportunité d’exprimer une illustration du temps qui m’est prée cieuse. N’étant pas intéressé par la photographie de représentation, j’ai eu l’idée de créer un outil qui me permettait de capturer une réalité physique palpable, sans pour autant me limiter à un unique point de vue ou à un instant précis. Le Tortuga 5 permet de prendre des clichés moyennant une période d’exposition très longue, généralement de plusieurs heures. Ainsi, lentement, les différents points de vue se combinent et donnent à voir une réalité brute, mais déformée». Un paradoxe en soi donc, au paroxysme de l’instant T durant lequel l’éphémère côtoie l’intemporel. 

Que les curieux se rassurent, si vous n’avez pas eu la chance d’admirer les plus belles épreuves qui ont été exposées et largement plébiscitées dans le cadre de la galerie Nei Liicht à Dudelange en 2003, vous pourrez vous aventurer au cœur de l’œuvre de Luc Ewen via deux sites Internet remarquables. Ceux qui se sentent une âme d’artiste pourront s’offrir l’un des derniers exemplaires encore disponibles du sténopé en édition limitée, bien entendu. ...

 

Lim Sung Jin 

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